Carnaval de Venise
Pleure donc, la lagune aux confins des amours ;
Abjurant tes soupirs, tu t’étourdis, Venise !
Quand ta rive s’ébroue aux traces des pas, lourds,
S’étiole ta beauté, qui n’est plus que hantise.
Ton flux et ton reflux, ondulant les bateaux,
Assourdissent les voix, quand rament les gondoles ;
De la Place Saint - Marc, garnie d’oripeaux
Des gens masqués de loups, forment des farandoles.
Qui te reniera qui veux tant exister ?
Du haut du Campanile on te voit, on t’admire ;
La tristesse n’est rien quand il faut te quitter,
Tout ton espoir s’ébauche en un lointain sourire.
Lors, tu fais la grimace, en de morbides pleurs
Sous tes dais, épongeant ta tristesse infernale,
Dans les brumes du soir, absorbant tes malheurs,
Tu veux bercer tes eaux, à l’envi du « Canale ».
Lors, le rouge horizon met au défi la mer
Agitant son mouchoir comme une étrange vague ;
Les Maures du cadran ont le glas plus amer,
Et leurs larmes s’en vont, curées par la drague…
Roseline Gilles-Renier